Six monologues, six prises de parole.
Un meurtre a été commis. Le meurtrier s’exprime mais aussi les membres de sa famille, son employeur.et un témoin du meurtre.
Début de la prise de parole du père
LE PÈRE ou L’ÉGALITÉ N’EXISTE PAS
Je me cache, je guette une respiration, je guette le bruit d’une clé dans la porte.
Je suis la sentinelle d’une maison aux chambres vides, j’écoute, je suis à l’affût.
J’entends un craquement aux étages ! Je grimpe les escaliers.
J’allume
Personne. Il n’y a personne. La fenêtre me regarde.
« Tu es le père et ton fils t’a renié » dit mon reflet dans la vitre.
Ça me claque au visage.
« Ta gueule ! » je réplique, et ça résonne du grenier jusqu’aux caves.
Je suis en sueur.
Je referme la porte.
J’allume une cigarette sur la terrasse.
Les grands chênes du jardin rient de moi, j’en suis sûr.
Je vous maudis, les arbres. Qui vous donne le droit de rire de moi ?
Pourquoi cela m’est-il arrivé, à moi. Qui m’en veut ?
C’est ce que j’ai dit au commissaire de police, pas plus tard que ce matin.
C’est à propos de votre fils, précisait la convocation.
Savoir pourquoi tout cela me tombait dessus m’échauffait la tête.
Oui, qui m’en veut ?
Pourquoi moi ?
Pourquoi, un jour, le couteau du destin vous gâche-t-il la vie ?
Et face au commissaire, j’ai pensé : L’égalité n’existe pas.
L’égalité est une loufoquerie, je vous dis.
Où est-elle, l’égalité ?
Montrez-moi l’égalité.
Faites-là voir.
C’est un fantôme, l’égalité, c’est une chimère, l’égalité.
L’égalité est une poudre de perlimpinpin vendue par des dealers d’espoir, des camés à l’optimisme qui se félicitent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Ils nous agitent la carotte au bout du nez, et nous les ânes, nous avançons, ah oui, nous poussons des cris, nous sifflotons en croyant aller quelque part.
Illusion ! Illusion !
Six prises de parole :
Le père ou l’égalité n’existe pas.
L’employeur ou nos mains pensent pour nous.
Le livreur ou un pied sur la gorge.
La mère ou la vie multipliée.
Le meurtrier ou l’engagement en soi-même.
L’épouse ou je t’ai aimé, je ne t’aime plus.