Une fiction qui évoque la vie de Kleist dans un monde qui n’en veut pas.

 

1 HISTOIRE D’HOMME : JE SUIS HEINRICH VON KLEIST.

La présence d’un ou de plusieurs musiciens sur le plateau est souhaitée. Une écriture de musique et de sons accompagnerait utilement la figure Kleistienne. Les acteurs entreront en scène le plus simplement du monde. Ils commenceront par lire au micro quelques extraits de la correspondance de Kleist ponctués par la musique. Chaque acteur aura personnellement choisi l’extrait qu’il veut lire. On changera d’extraits à chaque représentation. A chaque fois, on citera le nom de Kleist, on fera mention de la date de la lettre et du nom du destinataire. Un même extrait terminera cette courte séance de lecture, il sera obligatoirement lu par le personnage de Vera. Il s’agit des premiers paragraphes de l’essai sur les marionnettes.

COMME JE PASSAIS L’HIVER 1801 À M., JE FIS UN SOIR, DANS UN JARDIN PUBLIC, LA RENCONTRE DE MONSIEUR C. QUI ÉTAIT ENGAGÉ DEPUIS PEU COMME PREMIER DANSEUR À L’OPÉRA DE LA VILLE ET JOUISSAIT D’UNE IMMENSE FAVEUR AUPRÈS DU PUBLIC.

JE LUI CONFIAI MON ÉTONNEMENT DE L’AVOIR APERÇU PLUSIEURS FOIS DANS UN THÉÂTRE DE MARIONNETTES QUE L’ON AVAIT DRESSÉ SUR LA PLACE DU MARCHÉ POUR DIVERTIR LE PEUPLE AVEC DES PETITES SCÈNES BURLESQUES ENTRECOUPÉES DE DIVERS CHANTS ET DANSES.

IL M’ASSURA QUE LA PANTOMIME DE CES POUPÉES LUI PROCURAIT UN VIF PLAISIR ET ME DÉCLARA TOUT NET QU’UN DANSEUR DÉSIREUX DE CULTIVER SON ART NE POUVAIT QU’EN TIRER LE MEILLEUR PROFIT.

2 DUO

SAM BOG -. Jouons!
Salut des saltimbanques au public assemblé. Mesdames et messieurs la lumière nous fixe. Nous, les acteurs mais c’est pour mieux vous éclairer. Bienvenue au roulis du destin. Nous verrez des bêtes que vous connaissez bien. Nous changerons de costumes. Nous changerons de visages. Moi d’abord, moi : Samuel Bog Sam-le-grand, Sam Bog le montreur de marionnettes! Présent partout, présent là où s’affiche le lien du créateur à sa créature.

Mais vous verrez surtout l’artiste méconnu. Le maudit
Qui court joyeusement à la mort.
Mesdames et messieurs, regardez dans la lumière de la rampe cette ficelle où s’agite un petit homme. Je suis heureux de produire à vos pieds l’être exceptionnel. Il incarnera pour vous les plus beaux épisodes d’une vie de poète.
Voici l’artiste suspendu aux souffles affolés du temps
Ballotté comme une femme ivre. Que sa vie vous soit exemple Il a beaucoup donné. Rien reçu. Entre la vague et le roc, un peu d’écume, dispersée bien vite dans le ressac de la mer. Une seconde d’existence, mais quel fracas!

Kleist se présente comme un fauve apeuré, regarde le public. Il s’agite soudain comme s’il était manipulé par mille fils invisibles. C’est une longue danse de mort à la fois risible et cruelle. Puis il s’apaise.

KLEIST
Je suis Heinrich von Kleist.

Les Yeux inutiles

1993 Mise en scène Janine Godinas, avec Françoise Benejam, Gil Lagay, François Sikivie, Anne-Sophie de Bueger; mouvement Patrick Bonté, Nicole Mossoux; Musique Denis Pousseur; Décor Jean-Claude De Bemels; Costumes Anne van Bree; Lumière DC Zvonock; Assistant Michel Bernard

Représentations à la Scène nationale de Villeneuve d'Ascq ( FR), à l'atelier théâtral de Louvain-la Neuve ( BE) et au théâtre Varia (BE)

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