Rêves d’Occident est une réécriture de La tempête de Shakespeare

Plongé dans ses recherches sur les secrets de la Vie, Prospero, homme de sciences et de pouvoir, néglige le gouvernement de son duché de Milan. Après avoir dressé contre lui l’Église et le peuple, le voilà contraint à l’exil avec sa fille de 8 ans, Miranda, et son ami et homme à tout faire, Ariel. Dans cet exil forcé, il découvre une île, peuplée d’étranges habitants. Pour Prospero, c’est l’occasion de réaliser son grand rêve : édifier Prosperia, une ville utopique, modèle du progrès pour tous. Mais Prosperia réalisée, Prospero se donne un nouveau défi : contribuer à la naissance d’un homme augmenté par les pouvoirs  de la science et des technologies.

 

 

 

PROLOGUE : LE SAVOIR DES CORPS

Un corps sur une table. Prospero est tout entier occupé à sa dissection. Il coupe, découpe, mesure, consigne ses observations dans un grand registre. 

MIRANDA -. Parle-moi. Je veux savoir. 

ARIEL -. Quoi?

MIRANDA -. Pourquoi maman est-elle morte en me mettant au monde ?

ARIEL -. On ne sait pas, Miranda, personne ne sait. 

MIRANDA -. Et lui, là, qu’est-ce qu’il fait ? Ça pue!

ARIEL -. Chaque jour, de la morgue, je sors un cadavre, je le lui apporte.. 

MIRANDA -. Pourquoi ?

ARIEL -. Ton père veut connaître le secret de la vie et de la mort. 

CHOEUR CHANTÉ

POUR SAVOIR IL FAUT CASSER

L’OS 

SUPPORT POUR LE CORPS TOUT ENTIER.

MURS ET POUTRES DE LA MAISON HUMAINE

PROSPERO LE BRISE 

COUPE OUVRE DISSÈQUE 

IMMOBILE EST LA MORT

L’HUMAIN

EST MOUVEMENT, MÉTAMORPHOSE

DÉSIR, FEU DÉROBÉ, CONNAISSANCE 

PROMÉTHÉE EN MANTEAU MYTHIQUE 

SALUE ET APPROUVE.

ARIEL -. Je suis Ariel. Jadis, je volais dans le ciel, aérien, quasi surnaturel. Aujourd’hui, je conte, je raconte. Je ne suis plus qu’un artiste de variété qui ne dit rien qui ne puisse être dit « de variétés »!

Il fait deux pas de claquettes, interrompus par un bruit de vitre brisée

MIRANDA -. Ariel, qu’est que c’est? Que se passe-t-il? C’est à cause de papa ?

ARIEL -. Ton père, c’est le diable. 

L’église le pense. Soulevé par les curés, le peuple hurle au sacrilège. Un jour, la haine des croyants nous menace, moi, mon maître, sa fille.

MIRANDA -. (Elle parle à sa poche) Maman? Maman, j’ai très peur. Je ne comprends rien à ce qui se passe. Tu es avec moi, n’est-ce pas? Dis-moi quelque chose. /Accepte ta peur, ma petite fille, si tu lui chantes une chanson, ça l’endormira.

PROSPERO -. ( Tenant son registre contre lui) Vite, rejoignons le bateau. Il faut fuir.

ARIEL -. Cet homme, c’est Prospero, le duc de Milan. C’est de lui qu’il va s’agir ici, de son épopée, de sa traversée du temps, de sa grandeur et de sa misère, de ses victoires et de ses chutes. Mais il s’agira aussi de l’Être humain qui veut savoir, qui veut construire, qui veut dominer la nature, qui cherche à percer le secret de l’immortalité. 

Les rêves d’Occident viennent du lointain. 

Ce soir, ils nous jettent devant vous : Commençons!

PROSPERO -. Nous sommes battus, défaits, humiliés, dépouillés, anéantis : ne le vois-tu pas? Nous avons tout perdu, excepté la rancoeur qui voyagera avec nous.

ARIEL -. Et si ta défaite était ta chance?  Toute fin est un commencement. Nous pouvons créer du nouveau, entreprendre. Trouvons une terre nouvelle, plantons-y notre drapeau!

Rendons-nous utiles!

PROSPERO -. J’ai froid. J’ai terriblement froid.

ARIEL -. Ainsi, de rivage en rivage va le navire des bannis.

Jusqu’au jour où le ciel devient menaçant, quasi noir. 

Et alors une tempête nous fracasse, le navire se broie sous la brutalité des vagues. 

Nous voilà jetés sur une île oubliée de tous.

 

RÊVE I : SURGISSEMENT DE LA CITÉ